Extrait du prochain livre [ Création merdique ]

Il court, il court, il manque de souffle mais il court, il court. Les larmes chaudes coulent sur sa peau froide mais il court, il court. Le vent froid percute sa peau mais il n’y prête pas attention. Sa course ralentit petit à petit puis s’arrête net. Le regard froid, reflet de son âme, fixe l’horizon. Il trouve ça dur de fuir la réalité avec les poumons remplis de fumée. L’horizon commence à devenir sombre. On aperçoit le soleil nous dire au revoir au-dessus de ce champ de colza. Il s’apprête à disparaître tout comme son humanité pour laisser place à une nuit noire. Cette nuit noire, c’est elle qui est dangereuse pour chaque homme. Lorsque plus rien ne nous éclaire et que seuls nos vices dansent en parfaite symbiose avec notre cœur. Ces vices guideront alors nos pensées puis nos actes et les gens ne cesseront de dire que l’humanité nous a quitté. Au moins, ils parleront de nous. Parce qu’après tout c’était juste ça qu’il recherchait, qu’on parle de lui, de l’attention. L’homme aperçoit ses démons dans la solitude, mais lui, il a grandi avec.

L’aube se lève, c’est le week-end, il a seulement 20 ans et pourtant rien n’est prévu pour ce soir. Avant il avait mal de se lever dans ces conditions car il avait la sensation de passer à côté de sa jeunesse. Désormais ce n’est plus le cas, il n’y fait même plus attention. Ce matin pourtant il a un semblant de goût amer dans la bouche. Pourquoi ? Il a tout pourtant pour être heureux. Sa famille est en bonne santé, il a un job, des études convenables, des amis proches qui se tueraient pour lui. Et même en se hurlant dans la tête qu’il possède toutes ces richesses, le goût amer est toujours présent. Mais pourquoi ? Simplement parce qu’il est seul. Cela peut paraître banal et c’est un point de commun qu’il partage avec beaucoup de personnes. Ce sentiment de solitude, s’en vouloir d’avoir ce sentiment alors qu’il possède tant de choses.

Seulement, dans notre génération cette solitude est amplifiée. Il en a peur de regarder son téléphone le matin. Cet outil dont il ne peut pas se passer comme tous les jeunes de son âge alors que c’est ce même outil qui l’a écarté des autres. C’est un outil assassin car c’est un jeune qui ne fait pas partie du groupe « populaire » du coin, lorsqu’il allume son téléphone le matin il ne voit que le reflet de sa solitude : zéro message, zéro notification. Alors qu’il entend souvent dire aux détours de conversations que certains se lèvent avec des messages d’amis, de filles. Durant ces conversations il fait mine que cela ne l’intéresse pas, qu’il est hors du moule de cette génération. Mais la dure réalité c’est qu’il n’est pas dans le moule parce que personne ne l’a accepté dedans. Evidemment il aimerait être populaire, évidemment il voudrait faire partie de ceux qui ont du succès avec les filles, qui sont invités à toutes les soirées, qui ont un nombre de followers incalculables qui viennent flatter l’égo à coup de like pour leur rappeler qu’ils sont à la mode, qu’ils sont beaux et appréciés. Cependant tout cela il ne l’a pas et c’est à ça qu’il pense ce matin alors qu’il sait pertinemment qu’il ne manque de rien.

A partir de maintenant cela va changer. Finis de faire partie de la deuxième catégorie de jeunes, la catégorie des oubliés. Ceux qui ont oubliés de ne pas être eux-mêmes et qui courent derrière la popularité. Aujourd’hui marquera le commencement de sa nouvelle vie, l’accession à un nouveau mode de vie. Il ne reniera pas ses amis, il est bien trop fidèle pour ça, mais il s’en créera de nouveau. Et tant pis s’ils ne les aiment pas, ce qui veut c’est se sentir aimer, aduler, désirer : laisser la solitude de côté pour laisser place à la joie.